Rencontre avec Neil Glasbey, superviseur d’animation

Nous sommes très fiers d’accueillir chez Cinesite le nouveau superviseur d’animation Neil Glasbey. Neil travaille dans le domaine des effets visuels depuis plus de vingt ans au cours desquels il a acquis une expérience et un regard inestimables quant au rôle pivot et évolutif du superviseur d’animation.
Nous l’avons rencontré pour en connaître davantage sur sa carrière et pour qu’il nous raconte ce qu’il faut pour devenir un superviseur exceptionnel.

VOUS VOUS ÊTES JOINT À CINESITE RÉCEMMENT.  QU’EST-CE QUI VOUS A INCITÉ À VOUS JOINDRE À CETTE ENTREPRISE?
J’avais travaillé avec Eamonn Butler, directeur de l’animation de Cinesite, alors qu’il travaillait chez DNeg et j’ai vraiment apprécié mon expérience. Le fait qu’il soit resté si longtemps chez Cinesite en disait long et je souhaitais en faire l’expérience également. L’idée de me joindre à une entreprise où j’allais être appelé à collaborer plus étroitement avec l’équipe et à travailler sur une variété de projets intéressants m’enthousiasmait.

DÉCRIVEZ VOTRE RÔLE ET VOS PRINCIPALES RESPONSIBILITÉS EN TANT QUE SUPERVISEUR D’ANIMATION.
Ma responsabilité principale est de fournir aux clients la performance qu’ils recherchent en matière d’animation, à savoir la performance optimale en fonction du style, des besoins et du budget de la production. Parfois, ce que les clients veulent n’est pas nécessairement la meilleure approche ou solution, alors mon rôle est de comprendre ce qu’ils recherchent pour leur personnage et de leur présenter diverses options et performances afin de déterminer la façon d’aller de l’avant qui fonctionnera à tous les niveaux.
Parmi les autres aspects importants de mes fonctions, je dois m’assurer de diffuser les bonnes prises de vue aux bonnes personnes, d’assurer la cohérence d’une scène à l’autre étant donné que les images passent entre les mains de plusieurs animateurs, d’assurer la qualité des performances et le respect de l’échéancier. Le respect de l’échéancier est crucial, car si le temps nécessaire n’a pas été pris en compte et que les prises de vue sont précipitées, il y aura des répercussions négatives sur la performance.
Je suis également là pour éviter toute pression sur les artistes dans la mesure du possible. Je prends la pression interne et externe sur mes épaules, car la pression ne favorise pas un environnement créatif pour les animateurs. J’agis comme un parapluie au-dessus de leur tête.

EN QUOI LE RÔLE DES SUPERVISEURS D’ANIMATION A-T-IL ÉVOLUÉ AU FIL DES ANS? LEURS FONCTIONS SE SONT-ELLES ÉLARGIES?
Le rôle des superviseurs d’animation a certainement pris de l’ampleur. Au début de ma carrière, c’était plutôt le superviseur VFX et le superviseur de l’infographie qui communiquaient directement avec les clients. Maintenant, ce rôle est beaucoup plus axé sur les clients. Ces derniers recherchent ce contact direct avec l’animation, alors c’est souvent moi qui leur présente.
Nous sommes le véhicule de création qui permet de donner vie à ce que les clients veulent; on est là pour interpréter leurs exigences. Parfois, ils savent exactement ce qu’ils veulent et préparent des références détaillées pour l’illustrer. Mais parfois, ils ne savent pas tout à fait ce qu’ils veulent et s’attendent à recevoir des conseils de notre part, alors notre rôle peut devenir beaucoup plus créatif.
Nous travaillons en étroite collaboration avec les autres services puisque notre projet suit le parcours, passant par la disposition, les créatures et les effets spéciaux. Il faut donc connaître à fond son travail et s’assurer de fournir du contenu utilisable et de haute qualité. Tous travaillent en harmonie et nous devons tout mettre en œuvre pour leur donner toutes les chances de faire leur travail du mieux possible. À mon avis, l’ensemble des connaissances et des compétences techniques des superviseurs d’animation s’est accru au cours des dernières années de façon à s’adapter à cela.

QUEL EST LE SECRET POUR RÉUSSIR EN TANT QUE SUPERVISEUR D’ANIMATION?
Je suis le lien entre les clients et les animateurs. Souvent, c’est une question d’empathie et de compréhension dans les deux sens : avec le client et avec l’équipe. Je comprends le client et je vois ce qu’il recherche, puis je traduis le tout à l’équipe du mieux possible, d’une façon qui ne me met pas trop à l’avant-plan. C’est un prérequis bien important pour que je puisse bien remplir mes fonctions; si je me trompe, cela peut vite ressembler au jeu du téléphone arabe.
Parfois, j’essaie de faire ce que le client demande, mais cela ne fonctionne pas. Alors je leur montre de toute façon, mais je leur présente aussi d’autres suggestions. Il faut leur donner une certaine garantie, on est là pour qu’ils aient confiance en notre expérience.

COMMENT AVEZ-VOUS COMMENCÉ VOTRE CARRIÈRE?
À la fin des années 80, j’ai étudié l’illustration technique à l’institution Bournemouth and Poole College of Art and Design. Par la suite, j’ai créé des illustrations techniques pour le manuel automobile Haynes. Je suis fier d’avoir réalisé l’illustration du moteur de type Jaguar E. Mais j’avais plutôt envie de modifier des illustrations, de faire voir les choses sous un angle différent; mais évidemment, je n’avais pas cette flexibilité avec les illustrations techniques traditionnelles.
Au début des années 90, lorsque les jeux vidéo ont commencé à sortir, j’ai acheté quelques logiciels de dessin DAO et je me suis procuré une version antérieure de Lightwave. J’étais émerveillé de voir des choses comme le mouvement d’une sphère bondissante ou encore le mouvement dans le monde qui m’entourait. J’aimais voir les objets prendre vie dans l’ordinateur. Je suis devenu accro. En 1999, j’ai terminé une maîtrise en animation par ordinateur au National Center for Computerized Animation de Bournemouth. Je me suis immédiatement joint à Peppers Ghost, avant de passer à Framestore en 2000. Ce fut une période assez prodigieuse pour moi en termes de perfectionnement de mes connaissances et de mes crédits. Je travaillais sur tous les projets, de Sur la terre des monstres disparus pour la BBC à Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban. J’ai également réalisé le logo en mouvement de la BBC où l’on voit des hippopotames qui nagent sous l’eau. Ce logo a été diffusé sur une longue période.

QUELS ONT ÉTÉ À VOTRE AVIS LES MOMENTS LES PLUS MARQUANTS DES PREMIÈRES ANNÉES DE VOTRE CARRIÈRE?
J’ai passé quatre ans chez Weta, de 2006 à 2010. Au cours de cette période, j’ai travaillé sur les projets Tintin, Dragons des mers et Avatar, ce dernier ayant été sans conteste l’un des faits saillants de ma carrière. La production s’est déroulée sans embûche, en partie parce que James Cameron avait une animatique de haute qualité et il savait exactement ce qu’il voulait.
L’une de mes premières animations survenait à la première apparition de Neytiri, qui se tenait sur une branche d’arbre. Cette prise de vue a été utilisée à titre de test pour établir le contact avec le visage et a pris plus d’un an à réaliser.
J’ai également animé de nombreux Equidius (une sorte de cheval à 6 pattes). J’avais une longueur d’avance car j’avais déjà fait des animations de quadrupèdes dans la série Sur la terre des monstres disparus. Nous avons créé des cycles de course et de galop pour les chevaux et nous avons même réalisé l’animation d’énormes créatures de type rhinocéros avec une tête de marteau pour une importante séquence stampede. C’était fort emballant, mais j’avais envie de retourner à Londres pour occuper un rôle plus important, ce qui m’a amené à accepter un poste à Mill TV en 2010.
Le travail que j’ai fait au sein de cette entreprise était bien plaisant. J’ai particulièrement aimé travailler à l’émission Primeval, surtout avec les petits vélociraptors. Rien n’est plus plaisant que d’animer ces petites bêtes agressives, qui bougent comme des oiseaux avec de petits spasmes, mais qui sont mortelles.

AU FIL DES ANS, QUELS SONT LES PROJETS D’EFFETS VISUELS ET D’ANIMATION LES PLUS AMBITIEUX AUXQUELS VOUS AVEZ PARTICIPÉ?
Mon poste de superviseur de l’animation au sein de DNeg m’a donné l’occasion de créer une œuvre très ambitieuse et à grand déploiement, soit la scène finale du film L’Homme d’acier et, particulièrement, le combat entre le général Zod et Superman à Metropolis, qui entraîne la destruction quasi totale de la ville. Très peu de scènes ont été tournées par caméra : la plupart des scènes ont été presque entièrement créées par ordinateur et par autres moyens techniques. C’était tout un défi. Il y avait des effets visuels de destruction massive et la ville était immense.
J’ai également créé quelques manèges thématiques de Harry Potter pour Universal Parks, à savoir les manèges Escape from Gringotts et Journey to Hogwarts. Dans ces manèges, le public est assis dans des wagons de train et nous présentons partout autour d’eux des scènes qui ne laissent rien pour compte. On y retrouve Buck, les centaures qui traversaient la forêt, les détraqueurs et même les grenouilles en chocolat qui sautent par les fenêtres. Il y avait 8 000 prises de vue simples à 12K, 60 ips entourant les voitures du train de 270 degrés. Ce fut un projet d’envergure fort complexe.
Le film Rives du Pacifique : La révolte a également représenté un défi important, car on dénombrait 1500 effets spéciaux dans le film. Cela signifiait qu’il fallait créer des robots de combat géants, les « Jaegers ». Bien que ces robots mesurent 90 mètres, il fallait les rendre agiles et athlétiques. Il y avait aussi énormément de destructions et d’effets spéciaux dans cette production.

QUEL GENRE DE TRAVAIL VOUS PLAÎT LE PLUS?
Parfois, ce sont les scènes les plus divertissantes à regarder pour le public qui sont aussi les plus amusantes à créer. Par exemple, j’ai adoré travailler sur la scène où on voit la poursuite de Ant-Man avec la locomotive Thomas et ses amis. La bagarre à l’intérieur de la mallette dans l’hélicoptère, les images de rétrécissement des personnages, l’action qui se passe sur la voie ferrée qui circule sur le tapis, le changement d’échelle des plans, voilà un concept d’effets spéciaux qui a été vraiment formidable à réaliser.
Nous avons aussi créé un extraterrestre nommé Calvin dans le film Vie, pour le réalisateur Daniel Espanosa. C’était particulièrement intéressant, car le personnage a commencé comme un micro-organisme unicellulaire qui s’est finalement transformé à la fin du film en une énorme machine à tuer. Ce qui était fascinant a été le travail de création des types de mouvements à chaque étape de l’évolution du personnage, qui passe d’un être attendrissant et incompris et à un être dangereux et terrifiant.

QU’EST-CE QUI VOUS PASSIONNE? QU’EST-CE QUI VOUS PLAÎT LE PLUS DANS VOTRE TRAVAIL?
Donner vie aux créatures est au cœur du travail des animateurs. Le fait d’aider les animateurs à le faire, c’est tout aussi formidable. Il ne s’agit pas ici d’animer physiquement le mouvement, mais plutôt de comprendre ce qui se passe dans l’esprit de la créature. Que ressent la créature lorsqu’elle se déplace d’un bout à l’autre d’une pièce? Pourquoi se déplace-t-elle? Quelle est son intention ou son objectif? Une fois qu’on entre dans la tête de la créature, on peut lui créer son émotion. Si notre processus de réflexion est cohérent, on peut alors créer l’animation et la peaufiner. On ne peut intégrer une personnalité à une chose, la personnalité doit être représentée dès le départ. C’est ce qui me passionne dans mon travail, le fait de m’investir cœur et âme pour donner vie à un projet.

PARLEZ-NOUS DAVANTAGE DE VOUS.  AVEZ-VOUS DES PASSE-TEMPS OU DES INTÉRÊTS PARTICULIERS?
Cela peut sembler étrange, mais j’aime beaucoup conduire. Souvent, je me lève tôt et je pars, seul en voiture, pour prendre la route et parcourir de longues distances, pour explorer la route, explorer la campagne. C’est un moyen formidable de s’évader et de faire le vide. J’aime bien aussi la finesse du cricket et la brutalité du rugby, bien qu’en ce moment, je suis surtout spectateur.

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