ANIMATION

STRUCTURE DU SERVICE ANIMATION DANS LA PRODUCTION DE FILMS D’ANIMATION

Depuis sa création en 2014, la division de films d’animation de Cinesite travaille avec des cinéastes pour proposer des histoires captivantes dont l’animation est de plus en plus complexe et de qualité. Les membres de nos services d’animation de films collaborent pour donner vie aux personnages et aux cadres propres à chaque histoire.

Dans cette série, nous explorerons chaque service en discutant avec ses membres et verrons le rôle qu’ils jouent dans toutes les étapes de production.

Dans cet article : Animation avec Graham Silva, directeur de l’Animation, Cinesite Vancouver

Comment l’animation se définit-elle dans un contexte de film d’animation?

L’animation est l’étape de la performance dans la production d’un long métrage d’animation – le jeu d’acteurs. C’est le processus dans lequel on prend l’excellent résultat du travail des services précédents et le transformons en personnages pleins de vie.

Quelles sont les méthodes qui vous permettent de faire de l’animation?

Le processus d’animation peut varier d’une production à l’autre et même d’un animateur à l’autre, selon ses propres expériences et préférences. Même les différents textes des plans peuvent nécessiter leur propre approche spécialisée. Un artiste en animation peut aborder un jeu d’acteurs ou un dialogue nuancé différemment d’un plan de corporalité complexe ou d’interaction à plusieurs personnages. De même, un animateur peut aborder un plan de corporalité avec une approche directe plus organique, plutôt que choisir une approche « par cliché » (pose to pose) pour une partie de personnage stylisée. Au bout du compte, aucune méthode particulière n’est bonne ou mauvaise, tant qu’on peut réussir à atteindre le style et la vision du réalisateur. Pour moi, un plan typique pourrait ressembler à ceci :

    1. Distribution des rôles : Vous découvrez quels plans vous ont été attribués. Je retournerais à mon bureau et regarderais les séquences encore et encore, en notant toutes les questions que je pourrais avoir à poser au directeur lors du lancement. Je pourrais parcourir le fichier de scène Maya et voir avec quoi je dois travailler sur le plan logistique. Il faut définir l’espace de travail, les accessoires ou les éléments de décor avec lesquels je devrai travailler, etc. Mais je ne commence pas l’animation de quoi que ce soit pour le moment.
    2. Brève présentation/lancement/démarrage du plan : Le point de lancement. C’est là que l’animateur apprend du directeur ou du superviseur ce que le plan ou la séquence nécessitera. C’est l’occasion de lui poser toutes les questions importantes et de scruter les moindres détails de ce qu’on doit réaliser. Par exemple :  
      • Quelles sont les motivations du personnage ?  
      • Comment ce moment s’intègre-t-il dans l’arc général du personnage?
      • Quel est le sous-texte du plan? (C’est là la vraie magie de la chose.)
      • Comment le plan s’inscrit-il contextuellement dans l’image ? De quelle manière est-ce qu’on en est arrivés ici?
    3. Organisation des plans (planning) : Avec les informations recueillies durant la brève présentation ou le lancement, l’animateur peut alors vraiment commencer à organiser ses plans. Voici ma procédure :
      • À ce stade, je commence généralement par me rasseoir et j’écoute simplement le fichier audio, en boucle, pour vraiment m’en imprégner. L’animateur veut se lier étroitement avec ce fichier audio. La nuance de l’inflexion, des rythmes, où se trouvent les respirations, les pauses, etc. Il faut écouter les intonations naturelles hautes et basses. Tout cela montre comment notre personnage peut jouer. Même schématiser les respirations, savoir quand et comment votre personnage respire peut amener une texture subtile et vraiment ajouter de l’authenticité à une performance.
      • Après cette solide lecture audio, je m’aventure ensuite dans les croquis et les plans de référence.
    4. Référence à action directe : Il existe de nombreuses écoles de pensée au sujet de l’utilisation d’une référence, et cela me ramène à l’idée de tantôt qu’il n’y a pas une seule façon d’animer. C’est quelque chose, selon moi, qui est inestimable!
      • Je vais prendre de nombreuses prises de vue en essayant différents choix de jeu d’acteur, je les regarderai encore et les corrigerai le moment venu, au besoin. J’aime aussi demander à quelques autres personnes d’effectuer des prises de vue juste pour voir si elles font quelque chose auquel je n’avais peut-être pas pensé. De belles surprises peuvent surgir de cette manière. C’est aussi un excellent moyen d’impliquer les autres et de faire connaissance avec vos collègues, ce qui est un atout supplémentaire. Une autre chose à propos de la référence, c’est que… hé! L’animation est déjà assez difficile comme ça! Une prise de référence vous permet d’être libre et de vous concentrer sur des perspectives plus larges, et quand vous la regardez après coup, vous pouvez trouver ces petits détails qui vous auraient échappé, si vous vous étiez contenté de plonger directement, et qui ajouteront de la crédibilité à une performance. Les subtilités d’un clignement d’yeux, d’une respiration saccadée, d’un simple petit geste que vous avez fait instinctivement sans y penser. Ces petites perles auraient peut-être disparu sans cette bonne vieille référence. Vous n’avez pas besoin d’utiliser la référence intégralement. Personnellement, j’aime découper et éditer différentes prises ensemble jusqu’à ce que j’aie la performance que je recherche, puis je la transfère ensuite dans Maya où on peut ajuster le tout et ajouter plus de synchronisation caricaturée.
    5. Blocking : Maintenant que j’ai fait mes recherches, ma planification et ma référence, je suis prêt à retourner dans Maya et à mettre en forme mon plan. C’est ici que l’on construit la base la plus solide possible pour nos performances. C’est l’étape que je préfère.
      • Après ma planification, je me concentre sur la création des principales poses fortes de l’histoire et de tous les découpages nécessaires pour décrire avec précision les actions, ainsi que les temps et les intervalles. Certaines personnes passent plus vite sur cette étape, mais comme je l’ai dit plus tôt, chacun agit un peu à sa façon.
      • Ma philosophie est que je veux construire ma maison sur les bases les plus solides possible. Plus je suis désinvolte au départ, plus il est facile pour le plan de se perdre en cours de route. Aussi, un piège qui guette certains animateurs plus jeunes est que si leur blocking est trop vague, le réalisateur peut ne pas avoir une lecture claire de ses intentions. Ça pourrait conduire le réalisateur à perdre confiance dans la direction du plan et à tenter de la corriger. Chaque animateur a déjà connu un moment où les commentaires et les reprises se mettent à voler. Parfois, c’est inévitable, mais aidons-nous de toutes les manières possibles dès le début.
    6. Splining :Une fois le blocking approuvé, on peut commencer à affiner le jeu, à apporter des touches de détails et de nuances, et tout le tralala. On procède à un suivi de trajectoires arquées, à l’ajout de chevauchements, aux modifications de courbes. Tous ces trucs amusants. C’est là que nos cerveaux deviennent ramollis! On peut montrer notre travail au directeur plusieurs fois tout au long de ce processus.
    7. Surfaçage et finition : Le réalisateur crie FINAL! Mais vous n’avez pas encore fini… Oh! Oh! Non! En tant qu’animateur, on n’a jamais fini tant que la production n’arrache pas le plan de vos doigts froids et rabougris! Sans blague, il y a généralement une dernière étape où on s’occupe des éléments de dernière minute ou fait quelques vérifications techniques finales avant le coup d’envoi du plan sur la chaîne de production, où l’éclairage, les effets visuels, la composition et autres auront la chance d’ajouter leurs morceaux respectifs de magie au processus.
    8. Rincez et répétez !

Quel est le rôle du service d’Animation dans le pipeline de production global? Où s’insère-t-il par rapport à tout le reste?

Dans la plupart des cas, l’Animation arrive un peu plus tard dans la chaîne de production, après des services comme le Scénario, le Développement visuel (conception des personnages et de l’environnement, style des couleurs, etc.), le Développement des personnages (modélisation, animation du squelette, surfaçage), la Prévisualisation et mise en scène…, puis l’Animation.

Quel est l’objectif de l’Animation?

L’objectif principal est de concrétiser la vision du réalisateur. Donner à ses acteurs les voix et les gestes voulus pour accomplir ce qui est nécessaire pour raconter ses histoires. Pour donner vie à une myriade de personnages forts, nuancés et crédibles.

En quoi l’animation d’un long métrage diffère-t-elle de celle d’une série?

Cela dépend vraiment du type de série sur laquelle vous travaillez. Les styles artistiques diversifiés et, bien sûr, les budgets variés dicteront bon nombre de ces différences.

Une série de diffusion à budget plus élevé peut se comparer à un long métrage plutôt qu’à une série qui s’adresse aux enfants d’âge préscolaire. En général, le temps est souvent le facteur de différenciation le plus important. Pour les longs métrages à budget plus élevé, les délais de préproduction sont habituellement plus longs.

En production, votre quota moyen de plans d’animation a tendance à être inférieur, parce qu’il y a souvent des coûts plus élevés reliés aux exigences en matière de jeu d’acteurs et de performance.

Dans la production de longs métrages, en tant qu’animateurs, on a tendance à avoir plus de temps au début de nos plans à consacrer à l’étape de planification. Comme je l’ai mentionné plus tôt, pour moi, c’est l’une des parties les plus importantes de notre processus. Dans une série, où les quotas sont plus élevés, ce temps de planification tend à diminuer, et il est même parfois inexistant. Mais si vous pouvez trouver ne serait-ce que 30 minutes pour la planification, vos plans en bénéficieront et vous en apprendrez plus.

Cela dit, même une série avec des quotas d’animation plus élevés peut montrer de belles performances si elles ont été bien planifiées stylistiquement et techniquement pour rationaliser le processus.

En accordant du temps à la préproduction pour développer des solutions créatives dans d’autres services, comme la découpe créative, la mise en page ou la mise en scène, le langage de la caméra cinématographique et l’utilisation créative de la lumière et de la couleur, on peut vraiment aider à améliorer une performance.

Quelles compétences sont nécessaires pour réussir en animation?  

Observation : Apprenez toujours. Soyez curieux. Examinez le monde qui vous entoure. Comment les choses bougent-elles? Comment les gens se déplacent-ils? Regardez les gens interagir. Quel est leur langage corporel quand ils clavardent avec leur ami? Comment la personne qui écoute se tient-elle? S’ennuie-t-elle? Qu’est-ce qui vous en donne l’impression dans sa position ou son geste?

Étudiez, étudiez, étudiez.

Analysez le langage corporel et la mécanique du corps. Qu’est-ce qui mène à une action? Un personnage dirige-t-il avec sa tête quand il marche, ou avec sa poitrine ou son ventre? Qu’en comprenez-vous? Quel trait de personnalité pensez-vous reconnaître derrière cette attitude? En quoi une course causée par la peur diffère-t-elle d’une course de vitesse? Apprenez toujours.

Toutes ces informations, un animateur peut les emmagasiner dans son coffre d’animation et il peut les ressortir quand, inévitablement, un plan le demande.

Attitude : Je ne saurais trop insister sur ce point, mais avoir une bonne attitude est primordial! Être un bon animateur et un excellent coéquipier peut vous mener beaucoup plus loin dans cette industrie que quelqu’un qui est l’animateur vedette ultime, mais avec qui personne ne veut travailler. Il y a une limite entre la confiance et l’arrogance.

Communication : N’ayez pas peur de parler à vos dirigeants. Restez en contact avec les superviseurs et les coordonnateurs. Faites-leur savoir comment vous vous en sortez et où vous en êtes rendu. Si vous pensez être en retard sur une échéance, dites-le. Lutter en silence ne vous aide ni vous ni votre production.  

Résilience :  Les activités d’animation font l’objet de critiques presque constantes, et certaines personnes peuvent formuler des critiques ou en recevoir plus que les autres. Il est important que les animateurs se souviennent qu’ils réalisent tous une vision pour le réalisateur et que parfois nos yeux et les leurs peuvent ne pas s’aligner sur un plan particulier. Ça ne veut pas dire que votre idée n’est pas bonne, mais elle ne cadre peut-être pas à ce moment ou à ce personnage en particulier. Ne vous laissez pas abattre. Apprenez de cette situation et corrigez votre tir. Peut-être pourrez-vous à nouveau faire sortir cette idée de votre coffre plus tard dans la production.

Qu’est-ce qui est le plus agréable dans le fait d’être un animateur?

Pour moi, personnellement, c’est pouvoir regarder ce grand écran à la fin d’une production, y voir mon personnage, avec tous les sons et toutes les lumières incroyables, et entendre les réactions du public. Quand les spectateurs rient ou, mieux encore, reniflent discrètement, vous marchez la tête plus haute le reste de la journée!

Quel est le plus grand avantage à travailler en tant qu’animateur chez Cinesite Films d’animation?

C’est un cliché, mais je réponds : l’équipe. Côtoyer un groupe d’individus complémentaires et positifs, qui partagent le même désir de créer des merveilles et d’être meilleurs chaque jour, est toujours incroyablement inspirant.