IWÁJÚ

ÉTUDE DE CAS, PARTIE 2 – CONSTRUIRE UN MONDE

 

La minisérie d’animation Iwájú est le fruit d’une étroite collaboration entre Walt Disney Animation Studios, Kugali et Cinesite. L’histoire se déroule dans un Lagos futuriste, au Nigeria, et montre deux mondes, celui des nantis et celui des démunis, et la dynamique existant entre les gens fortunés, qui vivent sur l’île de la ville, et les pauvres, qui vivent sur le territoire continental densément peuplé.

Les riches habitants de l’île ont un mode de vie hautement technologique, tandis que les moins nantis vendent des marchandises dans un marché agité et utilisent des moyens de transport futuristes plus rudimentaires. Dans l’histoire, la disparité de richesse devait se refléter dans les mondes créés par l’équipe de Cinesite.

Notre protagoniste de 10 ans, Tola, vit sur l’île dans un immense manoir entouré de commodités modernes et de robots qui l’aident dans ses activités quotidiennes. Dans une séquence charmante, une penderie interactive l’aide à choisir ses vêtements, et un genre de casque robotisé l’aide à choisir sa coiffure. Les automobiles sont munies d’interfaces utilisateur sophistiquées, et une impression générale soignée et futuriste se reflète dans le design des personnages, leurs tenues, les accessoires et les environnements. Au contraire, la partie continentale de Lagos est une mégapole tentaculaire densément peuplée qui donne l’impression d’être organisée par les moyens du bord.

Le conseiller culturel Toluwalakin « Tolu » Olowofoyeko vit à Lagos, une ville avec laquelle il a de grands points communs; il a joué un rôle de consultation crucial. L’équipe de production a proposé des dessins détaillés qui donnent des indications précises sur les environnements, allant jusqu’à suggérer des matériaux de construction. De plus, l’équipe de Cinesite a fait référence à des photos et des vidéos du Lagos d’aujourd’hui, ayant été prises sur le continent et sur l’île, pour s’assurer de maintenir le contraste entre les deux mondes. Les clés de couleurs, qui ont permis de planter l’ambiance et l’intention de chaque scène, se sont également révélées précieuses au cours de la phase de développement des environnements.

La place du marché, immense, bondée et s’étirant sur de longues rues, est un lieu stratégique sur le continent. La production devait traiter minutieusement les foules, les immeubles, les marchandises sur les étals du marché, et a dû gérer toute cette complexité. Miroir de la vie réelle, ce monde comprend d’innombrables véhicules et moyens de transports aériens et terrestres. Les produits alimentaires, tant dans les paniers que sur les étals, abondent dans cet endroit fréquenté tous les jours par des gens aux looks et aux vêtements variés. De nombreuses tenues se déclinaient en tissus souples et drapés et en agbadas traditionnelles.

La gestion d’une scène aussi riche en accessoires 3D et en détails a constitué un défi particulièrement stimulant pour l’équipe de Cinesite. Il fallait la diviser en parties plus facilement gérables pour qu’il soit possible de réaliser un rendu, en atténuant les effets sur le pipeline sans nuire à la complexité et au dynamisme de la scène.

Lagos est une gigantesque ville expansionniste. Une construction manuelle, contribuant à cette ambiance organique et chaotique, aurait été incroyablement longue à créer et complexe à affiner. Un outil de construction de ville a donc été développé par l’équipe de directeurs techniques avec l’aide du superviseur en images de synthèse. Au moyen de Houdini, un système de règles a été mis au point en combinant des modules d’extension disponibles sur le marché et des plugiciels internes pour générer rapidement des environnements, basés sur des cartes topologiques et des tracés de rues et censés reproduire la ville actuelle de Lagos. Cette base dans les résultats des données du monde réel est une ville crédible et reconnaissable.

Des outils de sculpture numérique ont également été utilisés comme forme de repérage. Les caméras ont été placées dans des décors qui avaient été conçus grossièrement, afin de donner rapidement des indications claires sur l’étendue de chaque lieu et sur la manière dont il s’intègre au reste du monde en général. Cette façon de faire a également permis de s’assurer que les ensembles construits n’utilisaient que le niveau de détail nécessaire, sans plus.

Les bâtiments rendus, qui avaient été modélisés et texturés, ont été peints sur le dessus par l’équipe des décors numériques. S’inspirant d’un style pictural unifié, l’équipe a créé des peintures harmonieuses et subtiles à l’aide de Photoshop, qui concordaient avec la direction artistique de la production. Ces peintures ont été importées avec des éléments dans Nuke, qui a été utilisé pour placer le tout dans un environnement 3D avant que les équipes de composition et d’éclairage ne prennent le relais. Le rôle de l’équipe des décors numériques était collaboratif et on lui a souvent demandé de revisiter et de modifier les environnements en fonction des changements dans l’animation des avant-plans.

Les équipes des décors numériques, des maquettes et des éclairages ont travaillé en étroite collaboration. Alors que les arrière-plans étaient détaillés et colorés, les personnages, quant à eux, devaient éblouir. Souvent, il a fallu désaturer des zones d’un plan, en ajoutant une atmosphère et des couches de pollution pour faire ressortir l’avant-plan.

Un groupe en développement visuel a été créé, réunissant les équipes chargées des actifs 3D et des effets d’éclairage pour discuter de la manière dont elles pouvaient travailler ensemble pour créer le visuel du film. L’équipe responsable du développement visuel de la composition a travaillé avec l’équipe des effets spéciaux et de l’animation graphique pour définir les visuels de composition bien avant qu’ils n’apparaissent dans les plans, afin de s’assurer que la planification était déjà en place.

L’influence du style graphique original se décèle entre autres par l’utilisation de l’éclairage. Les lumières fortes des pièces mettent en évidence les personnages à l’écran et les arrière-plans sont plongés dans la noirceur, permettant aux espaces sombres d’être sombres et aux personnages d’être éclairés d’une manière frappante. D’autres séquences saisissantes se déroulant la nuit et sous la pluie utilisent l’éclairage pour créer une atmosphère dramatique. À l’intérieur de la tour du méchant Bode, l’éclairage est utilisé pour susciter un sentiment d’intimidation et pour mettre l’accent sur sa taille et le contrôle qu’il exerce sur Kole.

La technologie dans Iwájú a tendance à émettre de la lumière. Le papier dégage une lumière subtile dans chaque séquence nocturne, qu’il soit à plat, froissé sur le sol ou légèrement luisant sur les affiches apposées au mur. Cela signifie que les sources de lumière ont pu être placées avec soin dans les arrière-plans de chaque plan, ce qui a permis à l’équipe d’éclairage de faire des choix plus créatifs, dans un monde plein de lumière et de couleurs.

Divers outils ont été utilisés ou créés pour aider à élaborer le visuel d’Iwájú. L’un de ces outils, créé dans Nuke, a permis l’application d’un filtre Kuwahara, ce qui a eu pour effet que les objets semblaient plus loin, même s’ils conservaient une certaine forme, qui se dégradait en représentations picturales abstraites.

Un outil de simulation de foules a également été conçu pour répondre à la complexité des tenues traditionnelles aux couleurs vives et des activités bourdonnantes de la ville. Une diversité de personnages et de caractéristiques a été créée, avec des corps de tout type, de tout âge, de toute taille, portant des coiffures de tout genre, avec ou sans barbe, etc. Une série de tenues ont aussi été confectionnées par programmation procédurale, avec des motifs et des couleurs authentiques. Le système de simulation de foules a permis à l’équipe de mélanger les personnages et d’assortir les accessoires, créant ainsi une grande variété de foules, nécessaires à l’ambiance de l’aéroport, de la ville et du marché.

Dans la troisième et dernière partie de cette étude de cas, nous examinerons l’importance de l’exactitude culturelle et les efforts déployés par les équipes de production pour parvenir à l’authenticité dans la série.

Toutes les images et clips d’Iwájú © Disney.

Vous pouvez cliquer ici pour lire la partie 3 : https://cinesite.com/iwaju-three/?lang=fr